Défendre au risque de déplaire

Publié le 30 janvier 2009

Article paru dans l’Union, le 29 janvier 2009

Gynécologue photographe / Nouveau renvoi de l'affaire : les victimes écœurées.

Coup de théâtre, hier, au tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne. Le défenseur du gynécologue sparnacien accusé d’avoir photographié les parties intimes de ses patientes a déposé des conclusions visant à demander l’annulation des procédures. Les parties civiles n’ont pu que réclamer le renvoi de l’audience pour préparer leur riposte.

« C'EST lamentable ! », « Scandaleux ! ». Les victimes n'ont pas de mots assez forts pour exprimer leur colère. Sans effets de manche mais avec sa plus belle plume, l'avocat du gynécologue accusé de les avoir photographiées à leur insu a provoqué un nouveau rebondissement dans cette affaire.
Hier, à 12 h 17, Me Gérard Chemla s'est en effet fendu de onze pages de conclusions transmises aux parties civiles. Il y soulève un grand nombre de points de droit et demande au tribunal « d'annuler l'ensemble des actes effectués postérieurement au 28 mars 2007 à 20 h 10, date à laquelle s'est déroulée la première perquisition ». Les parties civiles sont ulcérées. Toutefois, en quelque sorte à l'insu de leur plein gré, elles doivent réagir à ces conclusions. « Nous devons répliquer à ces écrits et pour cela il nous faut du temps pour les étudier », soutient Me Simon Couvreur. « Il me semble tout de même assez tendancieux de déposer ces conclusions à quelques minutes du début de l'audience », ajoute l'avocat.
Dans la salle, l'ambiance est électrique. C'est celle qui imprègne cette affaire depuis le début. D'un côté, le prévenu - absent au tribunal hier - et son avocat qui dénoncent un « lynchage ». De l'autre, les sept parties civiles, dont cinq sont représentées par des avocats, qui ont la nette impression de compter pour du beurre. Au milieu, le Parquet qui fait le maximum pour que l'affaire se règle dans la plus grande discrétion. Ce qui fait hurler les victimes. « Le voleur de scooter n'a pas droit à autant d'égards ! », jette cette ancienne patiente du gynéco.
Dès le départ, le dossier du praticien est présenté dans le cadre d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Autrement dit, le médecin plaide coupable. Concrètement, il est reçu, en compagnie de son avocat, dans le bureau du procureur. Celui-ci lui propose une peine. Il peut l'accepter ou la refuser. Ensuite seulement, en audience publique cette fois, un juge homologue ou non cette peine. C'est aussi à ce moment-là que les parties civiles peuvent réclamer des dommages. Mais pas débattre des faits. « Les victimes, selon Me Couvreur, voulaient des explications devant les magistrats »

Le juge n'ayant pas homologué la peine proposée en CRPC, le prévenu devait comparaître devant le tribunal correctionnel. Le 15 octobre, c'est à l'initiative des parties civiles, cette fois pleinement consentantes, que le dossier est renvoyé. Elles réclament en effet une contre-expertise psychologique. La première concluait que l'infraction avait été commise dans un contexte « d'abolition du discernement ». La seconde, qui aurait dû être exposée hier, estime tout le contraire.
« En clair, ce qu'il cherche, c'est un vice de forme ! », résume une des victimes. « Autrement dit, même s'il a avoué, même si on s'est vues en photo, il sera innocenté ! », explose cette autre partie civile. Les sept femmes présentes ont le plus grand mal à garder leur calme. « Vous imaginez ce qu'on peut ressentir ? interroge la cliente de Me Estelle Rolland. Moi j'avais toute confiance en lui. Quand j'ai été convoquée par la police, je pensais qu'ils voulaient m'entendre dire que c'était un homme très bien, un grand médecin. Quand j'ai vu les photos, j'ai dit : je veux porter plainte. »
Pas question pour ces femmes que le dossier passe à la trappe. Et il ne s'agit pas d'épingler le notable pour le plaisir ou la vengeance. « S'il était venu nous trouver pour dire : j'ai fait une énorme bêtise mais je le regrette, personnellement je n'aurais pas continué », affirme une des victimes. Mais aujourd'hui elles en veulent à l'homme froid, insensible à leur mal-être consécutif à cette histoire. Certaines n'ont plus franchi la porte d'un cabinet de gynécologie. Elles attendent de lui des explications et des regrets publics. Pas une dérobade.
Rendez-vous le 13 mai pour juger beaucoup de la forme et, peut-être, du fond.
Stéphanie Verger

Gérard CHEMLA, avocat rémois réputé en matière pénale des victimes
Gérard CHEMLA
Avocat associé

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