Les conditions de l’indemnisation d’une mise à pied conservatoire abusive

Publié le 16 février 2022
Mise à pied conservatoire abusive

La mise à pied conservatoire constitue une mesure de précaution, autorisée par la loi et, notamment, par l’article L 1332-3 du Code du Travail.

Dès lors qu’il s’agit d’une prérogative autorisée par la loi, l’usage d’une telle prérogative n’est pas indemnisable.

Cependant, si la mise à pied conservatoire est un droit pour l’employeur, l’abus de droit est sanctionnable.

Il appartient alors au salarié de démontrer un tel abus de droit.

Un tel abus peut être caractérisé lorsqu’aucun fait et aucune situation ne justifiait le recours à une telle mise à pied conservatoire (Arrêt du 6 janvier 2010, n°08-44.218).

Dans le même sens, si l’employeur tarde à interrompre une mise à pied conservatoire, dès lors qu’il est pleinement informé que les faits reprochés n’existent pas ou sont infondés, une telle tardiveté est encore indemnisable (Arrêt du 8 octobre 1987, n°84-44.042).

Si un licenciement pour faute grave est ensuite requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse par les Juges, la mise à pied conservatoire ne devient pas, de facto, abusive et constitutive d’un préjudice spécifique pour le salarié.

Ici encore, seul l’abus de droit peut être retenu, le cas échéant, en démontrant la particulière mauvaise foi de l’employeur au moment de la notification de la mise à pied conservatoire ou encore la légèreté blâmable de ce dernier dans l’appréhension des faits reprochés au salarié.

Au-delà de l’abus de droit, ce sont encore les circonstances vexatoires dans la mise en œuvre de cette mise à pied conservatoire qui peuvent justifier la réparation d’un préjudice distinct de celui de la sanction en lui-même.

La Cour de cassation a retenu cette notion de « circonstances vexatoires » liées à une mise à pied conservatoire pour la diffusion d’une note de service l’annonçant à l’ensemble du Personnel, sans que cela soit rendu nécessaire par le comportement du salarié (Arrêt du 16 février 1989, n°86-40.288).

La réparation du préjudice lié à une mise à pied conservatoire est donc strictement distincte de celle de la rupture du contrat de travail : tout dépend des circonstances de l’espèce.

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé