Soins psychiatriques sans consentement : irrégularité de la procédure pour atteinte aux droits fondamentaux du patient

Publié le 20 novembre 2020

Les personnes hospitalisées en unité psychiatrique sans leur consentement dans le cadre d’une procédure autrefois appelée « hospitalisation d’office » subissent une atteinte grave à leur liberté individuelle, et plus particulièrement à leur liberté d’aller et venir dont elles sont totalement privées.

Ces mesures sont contrôlées par un juge qui doit essentiellement s’assurer du respect des règles de procédure. Bien qu’il s’agisse d’un processus purement administratif qui fait intervenir des personnes publiques, le contentieux ne relève pas de la compétence du juge administratif mais de celle de l’autorité judiciaire qui est consacrée par l’article 66 de la Constitution comme étant la « gardienne de la liberté individuelle ».

Le juge des libertés et de la détention doit obligatoirement se prononcer sur chaque hospitalisation de cette nature, dans un délai maximal de 12 jours suivant l’admission. La personne hospitalisée dispose d’un délai de 10 jours pour contester l’ordonnance devant la cour d’appel.

C’est devant le magistrat délégué par le Premier Président de la Cour d’Appel de REIMS que Me CALOT a obtenu la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation de son client dont les droits fondamentaux n’ont pas été respectés.

Les soins psychiatriques étaient, en l’espèce, ordonnés par le préfet du département. Conformément à l’article L.3211-3 du code de la santé publique (CSP), le patient doit être informé « le plus rapidement possible » des décisions le concernant. S’agissant d’une mesure ordonnée par le préfet, un premier arrêté ordonne l’admission, et un second, dans les jours qui suivent, ordonne le maintien en hospitalisation (article L.3213-1 du CSP).

Les dispositions précitées de l’article L.3211-3 du CSP imposent également d’informer le patient de ses droits, et notamment, celui de prendre conseil auprès d’un avocat de son choix, ou encore de saisir le juge des libertés et de la détention pour contester la mesure. Ajoutons que les dispositions de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme consacrent plusieurs droits de  la défense et notamment celui d’être défendu par l’avocat de son choix, ou encore celui de faire citer des témoins à décharge.

En l’espèce, le patient n’a eu connaissance des arrêtés préfectoraux qu’en fin de journée précédant celle de l’audience devant le juge des libertés et de la détention qui devait se tenir en début de matinée. Il n’a également eu connaissance de la date d’audience qu’à ce moment-là, la veille au soir. Par ailleurs, ses droits ne lui ont jamais été notifiés (en pratique, un formulaire est remis aux patients, en annexe des arrêtés ou décisions).

Il en résulte que le patient est resté une semaine sans connaître le régime juridique de son hospitalisation (alors que les droits et obligations sont différents selon le régime), sans connaître ses droits (alors qu’il aurait été incité à s’adresser à son avocat habituel s’il avait été informé de ce droit), et a été prévenu trop tard de l’existence d’une audience et de sa date (la veille au soir pour le lendemain matin) pour organiser utilement sa défense et saisir son avocat habituel.

Il a donc dû se résoudre à accepter l’intervention de l’avocat commis d’office, et il n’a pas pu faire intervenir un témoin, qu’il n’a pas eu le temps de prévenir, alors qu’il disposait de certains éléments de nature à prouver que la version des faits du médecin auteur du premier certificat médical était au moins en partie fausse.

Malgré une jurisprudence tout à fait contestable de la Cour de cassation qui limite la possibilité de censurer un défaut de notification des droits au patient, le magistrat délégué par le Premier Président de la Cour d’Appel de REIMS a honoré son rôle de gardien constitutionnel de la liberté individuelle en considérant que la violation des droits fondamentaux d’un patient hospitalisé sans son consentement présente un caractère de gravité qui justifie qu’il soit mis fin à la mesure privative de liberté.

Conformément au code de la santé publique, il est prévu que cette ordonnance prenne effet dans un délai maximal de 24 heures, afin qu’un programme de soins puisse être établi (Ord. REIMS, 19 novembre 2020).

A une période où l’impératif de sécurité se traduit par des atteintes considérables à la liberté individuelle, une telle ordonnance constitue une bouffée d’oxygène pour les amoureux de la liberté.

Steven CALOT, avocat à Reims
Steven CALOT
Avocat associé