COVID 19 : Employeurs n’ayez pas peur d’une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui

Publié le 26 mars 2020

La presse révèle que les salariés de l'usine d'Hirson (Aisne) de l'équipementier automobile AML Systems ont déposé plainte pour mise en danger de la vie d'autrui, estimant que l'entreprise prenait des risques avec leur santé dans le contexte de pandémie.

"Malgré la bonne volonté affichée par la direction afin de mettre en place les gestes barrières, la sécurité totale n'existe pas", a fait valoir l'avocat Me Ralph Blindauer, au nom du CSE, dans la plainte consultée par l'AFP. "Il existe de nombreuses occasions de transmission du virus dès lors qu'une communauté de travail, sans nécessité absolue pour la Nation ou pour l'économie, est amenée à se rencontrer", ajoute-t-il, jugeant que "l'employeur expose ses salariés à un risque immédiat de mort ou de blessures".

Ainsi, le simple fait que l’usine reste ouverte serait pénal.

Cela nous démontre que la pandémie permet tous les catastrophismes et surtout toutes les aberrations juridiques :

1. Pas de mise en danger sans violation d’une loi

La plainte au plan juridique ne devrait avoir aucune chance d’aboutir.

La mise en danger délibérée suppose la violation d’une obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

A partir du moment où l’employeur respecte le règlement (c’est-à-dire l’organisation prescrite par le décret) il ne peut y avoir de délit.

On se reportera par exemple à l’arrêt rendu le 18 mars 2008, que la violation d’une règle de déontologie ne rentre pas dans le champ de l’infraction [1] :

« Attendu que le délit de mise en danger d’autrui ne peut être caractérisé qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ;
….
Attendu que, pour déclarer Yves X... coupable de mise en danger d’autrui, l’arrêt énonce qu’en procédant à un examen médical sommaire de la malade, dont il connaissait les antécédents chirurgicaux, en omettant de consulter le médecin régulateur du SAMU, puis d’organiser le transfert de la patiente à l’hôpital, il a fait preuve d’insuffisance professionnelle, doublée de désinvolture, caractérisant la violation de l’obligation particulière de sécurité et de prudence définie aux articles 32 et 33 du code de déontologie médicale, devenus R. 4127-32 et R. 4127-33 du code de la santé publique, de sorte que Danielle Y... a été exposée à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que les articles 32 et 33 du code de déontologie médicale, devenus R. 4127-32 et R. 4127-33 du code de la santé publique, n’édictent pas d’obligation particulière de sécurité ou de prudence au sens de l’article 223-1 du code pénal, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé. »

2. Le risque de faute inexcusable peut être écarté si l’employeur est prudent

En cas de blessures ou de décès dans le cadre professionnel, l’employeur peut faire l’objet d’une action indemnitaire sous la forme d’une action visant à faire reconnaître sa faute inexcusable (vérifier vos contrats d’assurances !).  

Même si la jurisprudence a peu à peu fait peser sur l’employeur une « quasi » obligation de résultat (nous pouvons utiliser la notion de quasi depuis l’arrêt Air France), les juridictions sociales doivent établir une faute pour accueillir la réclamation.  

Or il ne peut y avoir faute si l’employeur est en mesure de démontrer qu’il a scrupuleusement respecté la règle édictée par la loi d’urgence sanitaire et les décrets et ordonnance en découlant.  

Pas de risque sur le fond à condition d’être en mesure de prouver qu’on a respecté les règles.

3. Le problème est donc probatoire

Quelques conseils pratiques (car la preuve s’organise en amont) : 

 • Modifier très vite le règlement intérieur
• Diffuser de façon très visible les consignes et prendre des photos des affichages
• Donner les moyens au personnel de respecter effectivement les consignes (mise à disposition du matériel adéquat, organisation adaptée du travail non pas sur le papier mais dans les ateliers)
• Faire signer les consignes à chaque membre du personnel + reçu du matériel spécifique et petite formation à la sécurité
• Sanctionner sans pitié tout manquement.

Gérard CHEMLA, avocat rémois réputé en matière pénale des victimes
Gérard CHEMLA
Avocat associé
Vanessa LEHMANN
Avocat associé