Attentats du 13 novembre : la Belgique garde ses secrets

Publié le 09 octobre 2018

A la suite des attentats de Paris et à la demande explicite de la commission d’accompagnement parlementaire belge, le Comité permanent P., qui correspond à la police des polices belge, l’équivalent de l’IGPN français (Inspection Générale de la Police Nationale), a décidé, le 26 novembre 2015, de mener une enquête de contrôle relative à « la position d’information des services de police belges concernant les attentats terroristes survenus à Paris, le 13 novembre 2015 ».

La mission reçue de la commission d’accompagnement parlementaire a été concrétisée par le Comité P. dans les questions suivantes :
- Les services de police belges disposaient-ils, préalablement aux attentats de Paris d’informations concernant les personnes impliquées et, dans l’affirmative, ces informations ont-elles été traitées de manière correcte ?
- D’où provenaient ces informations et depuis quand en disposait-on ?
- De quelle manière ces informations ont-elles été traitées et évaluées par la suite ?

Le Comité permanent P. s’est concentré sur la période de 18 mois précédent les attentats du 13 novembre 2015.

D’après le rapport annuel d’activité du Comité P. de 2016, plusieurs rapports ont été rendus sur le sujet entre février 2016 et janvier 2017.

Des bribes de ces rapports sont parues dans la presse, mais ils n’ont pas été rendus accessibles au public.

Les extraits parus dans la presse montrent que les rapports du Comité P. contiennent des informations essentielles quant aux carences et dysfonctionnements des services de police belges qui ont pu conduire aux attentats, et plus largement, quant aux individus impliqués dans la préparation et/ou la commission des attentats du 13 novembre.

Dès le mois d’octobre 2016, Me Gérard CHEMLA, avocats de nombreuses parties civiles, a demandé la jonction des rapports du Comité P. s’intéressant aux attentats du 13 novembre 2015 à la procédure d’instruction française.
Il ne devait s’agir que d’une formalité, le magistrat instructeur ayant auparavant joint au dossier le pendant français, à savoir le rapport de la commission d’enquête parlementaire relatif aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015, qui avait été rendu public au cours de l’été 2016.

Cependant, les autorités belges se sont opposées à la communication des rapports du Comité P., arguant de ce qu’ils étaient classifiés.

Ils ont pourtant largement fuité dans la presse…

La commission parlementaire « chargée d’examiner les circonstances qui ont conduit aux attentats terroristes du 22 mars 2016 dans l’aéroport de Bruxelles-National et dans la station de métro Maelbeek à Bruxelles, y compris l’évolution et la gestion de la lutte contre le radicalisme et la menace terroriste », a rédigé un rapport en se basant sur les rapports du comité P..

Ce rapport parlementaire est lui accessible sur Internet.

Ainsi, le troisième rapport intermédiaire sur le volet « Architecture de la sécurité » déposé le 15 juin 2017 indique que la commission parlementaire a procédé à de nombreuses auditions en lien avec le classement sans suite des procédures ouvertes à la suite des départs en Syrie des frères ABDESLAM, l’absence de suivi des frères EL BAKRAOUI alors même qu’Ibrahim EL BAKRAOUI avait été interpellé à deux reprises au cours de l’été 2015 en Turquie parce qu’il projetait de se rendre en Syrie et qu’il avait de ce fait été renvoyé à deux reprises aux Pays-Bas, la situation de Mohamed ABRINI, la cavale de Salah ABDESLAM…

Le rapport ne reprend pas les défaillances qui semblent être pointées du doigt dans les rapports du Comité P., et les auditions réalisées ont pour l’essentiel eu lieu à huis clos.

Nous n’y avons dès lors pas accès…

Nous ne pouvons que regretter cette rétention d’informations par les autorités belges et espérer que les rapports du Comité P. et les auditions de la commission parlementaire en lien direct avec les attentats du 13 novembre 2015 et du 22 mars 2016 soient prochainement versés à l’instruction française.

Alicia RENARD
Juriste Cabinet ACG
Equipe « 13/11/15 »

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