Le rejet de la responsabilité de l’État français dans la survenance des attentats du 13 novembre

Publié le 24 juillet 2018

Un an après les attentats du 13 novembre 2015, des victimes avaient introduit une requête aux fins de reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la perpétration des attentats de Paris et Seine-Saint-Denis devant le Tribunal administratif de Paris. Une défaillance de l’État français et de ses services de renseignement était invoquée. A l’appui de leur recours, les requérants faisaient valoir l’existence de plusieurs fautes :

• Attentats du 13 novembre : un défaut de surveillance des auteurs des attentats

Les requérants soulignaient que l’un des auteurs de l’attaque du Bataclan, Samy AMIMOUR, avait été mis en examen pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste avec placement sous contrôle judiciaire et interdiction de sortie du territoire, ce qui ne l’avait pourtant pas empêché de se rendre en Syrie et de revenir ensuite sur le territoire français. Ils ajoutaient qu’Ismaël Omar MOSTEFAI (commando du Bataclan) et Chakib AKROUH (commando des terrasses décédé aux côtés d’Abdelhamid ABAAOUD) étaient fichés S depuis respectivement 2010 et 2015 et que ce dernier faisait également l’objet d’un mandat d’arrêt européen depuis le mois d’août 2015. Concernant Foued Mohamed AGGAD, l’un des assaillants du Bataclan, les requérants précisaient qu’il était connu pour s’être rendu sur le territoire de l’État Islamique.

• Attentats du 13 novembre : un défaut de surveillance de la salle de spectacle du Bataclan

Les requérants estimaient que les services de l’Etat avaient commis une faute en s’abstenant de prendre des mesures de protection concernant les salles de spectacle, lieux qu’un « revenant » du territoire de l’Etat Islamique avait désigné avant les attentats du 13 novembre 2015 comme cible désignée. Ils mettaient en outre en exergue que la salle du Bataclan avaient déjà fait l’objet de menaces.

• Attentats du 13 novembre : un défaut de coopération des services de renseignement au niveau européen

Les requérants n’avaient pas visé d’élément factuel objectif concernant ce moyen mais se prévalaient d’un défaut de coopération des services de renseignements français avec les services des autres Etats membres de l’Union européenne en matière de terrorisme contraire à une décision du Conseil de l’Union européenne sur la question.

Les requérants réclamaient une indemnisation conséquente, et non pas seulement symbolique.

Le FGTI (Fonds d’indemnisation des victimes d’actes terroristes) s’était joint à la procédure et avait demandé, en cas de condamnation de l’Etat, à ce qu’il soit également condamné à rembourser au Fonds de garantie les sommes versées aux requérants au titre de leur indemnisation.

L’audience a été fixée au 4 juillet 2018.

La décision a été mise en délibéré.

Le 18 juillet, par communiqué de presse, le tribunal administratif de Paris a annoncé le rejet du recours déposé contre l’État.

Selon le communiqué de presse :

« Les requérants estimaient que les services de renseignement et les services chargés d’assurer la sécurité du territoire national avaient commis des fautes dans l’exercice de leurs missions et demandaient la condamnation de l’État à les indemniser de leurs préjudices.

Il appartenait au tribunal, saisi de ce litige, d’apprécier si l’administration avait commis une faute lourde, seule susceptible d’engager la responsabilité de l’État dans de telles circonstances.

Le tribunal administratif prend en compte difficultés particulières inhérentes à l’activité des services de renseignement et les moyens limités dont disposaient alors ces services à la fois pour appréhender et prévenir de nouvelles formes d’attentat terroriste. Les éléments produits par les requérants ne permettent pas d’établir que, dans le contexte d’absence de contrôle aux frontières intérieures de l’espace Schengen, l’État aurait engagé sa responsabilité du fait d’un défaut de surveillance des individus en cause à l’origine des attentats du 13 novembre 2015.

Il relève également que si les services renseignement français avaient été informés de façon indirecte par des services étrangers d’un projet éventuel d’attentat contre la salle de spectacle du Bataclan en 2009, la réalité d’un tel projet n’a pu être établie, l’information judiciaire ouverte en France ayant abouti à une décision de non-lieu. Par suite, aucune faute ne peut être imputée aux services de police pour n’avoir pas mis en œuvre un dispositif de sécurité particulier autour de la salle de spectacle du Bataclan après le mois d’août 2015.

Le tribunal administratif relève enfin qu’aucun élément ne permet d’engager la responsabilité de l’État à raison d’un défaut de coopération des services de renseignements français avec les services des autres États membres de l’Union européenne en matière de terrorisme. »

C’est sans grande surprise que la requête a été rejetée par le Tribunal administratif de Paris.

Pièce jointe : TA Paris, 18 juillet 2018, n°1621238/3-1

Contacter le pôle victimes du Cabinet ACG

Gérard CHEMLA, avocat rémois réputé en matière pénale des victimes
Gérard CHEMLA
Avocat associé

Dans la même thématique

Quelles réponses face au harcèlement scolaire ?

Publié le 28 novembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Droit pénal
Le harcèlement scolaire est aujourd’hui devenu un problème sociétal profondément enraciné dans la société. Focus sur les solutions politiques, pénales et disciplinaires à disposition des victimes et de leurs parents.

La Cour de cassation confirme sa position en alignant la pension d’invalidité sur le régime de la rente accident du travail

Publié le 13 septembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes
La Cour de cassation confirme sa position en alignant la pension d’invalidité sur le régime de la rente accident du travail : la pension d'invalidité ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (DFP).

La Cour de cassation opère un revirement attendu sur la rente accident travail

Publié le 06 février 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Accident de travail, maladie professionnelle, Thème : Droit des victimes

Une injustice existait depuis longtemps pour les victimes d’accident du travail qui voyaient diminuer leur indemnisation du déficit fonctionnel permanent en cas de rente AT.

En effet, la Cour de cassation avait décidé que la rente versée aux victimes d’un accident du travail devait être déduite des postes professionnels (pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle), ce qui se comprenait, mais aussi du déficit fonctionnel permanent. Ce qui était très largement décrié par les avocats de victime.

L’arrêt V13 (attentats du 13 novembre 2015)

Publié le 25 octobre 2022 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat
L’arrêt V13 (attentats du 13 novembre 2015) sur intérêts civils a été rendu ce matin par la Cour d’assises spécialement composée. Il s’agit de la partie d’un arrêt qui décide qui peut être considéré comme partie civile, c'est-à-dire comme victime au sens du droit pénal à la suite des condamnations pour tentative d’assassinat terroriste, complicité, association de malfaiteurs, terroriste ou non. Cette décision est importante en ce qu’elle tranche des questions qui étaient toujours pendantes près de 8 années après les faits et surtout parce qu’elle pose un cadre qui, au-delà des seuls attentats du 13 novembre, permettra de résoudre des questions consécutives à d’autres attentats.

Les frères CLAIN : mort non officielle et condamnation exemplaire

Publié le 08 septembre 2022 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

A la fin du mois de février 2019, les médias ont annoncé la mort des frères Fabien et Jean-Michel CLAIN, jihadistes français, acteurs majeurs de la propagande francophone de l’État islamique, dans des frappes de la coalition internationale.

La Taqqiya ou l’art de la dissimulation dans le jihadisme

Publié le 08 septembre 2022 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

La Cour d’assises antiterroriste spécialement composée de magistrats professionnels juge en ce moment-même vingt individus accusés d’avoir participé aux attentats du 13 novembre : coordinateurs, membres de commandos, logisticiens…

Les débats qui ont lieu sur l’île de la cité, au sein du Palais de justice historique, dans une salle d’audience spécialement construite et aménagée en vue de ce procès, ont à plusieurs reprises fait référence à la Taqqiya.

Procès de l’attentat de Villejuif : Plaidoirie de Gérard CHEMLA

Publié le 16 novembre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

‘Juger c’est comprendre et je ne vous comprends pas Monsieur GHLAM’

Quelques rappels

Le dimanche 19 Avril 2015 au petit matin, Sid Ahmed GHLAM, jeune étudiant parisien dont la famille est installée à St Dizier (52), avait comme projet de s’attaquer aux fidèles de l’église Ste Thérèse de Villejuif.

Les réquisitions dans le procès du projet d’attentat de Villejuif

Publié le 04 novembre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

"On a toujours parlé à tort de l'attentat manqué de Villejuif. C'est oublier qu'Aurélie Châtelain a été assassinée ce dimanche 19 avril sur un parking de Villejuif (…) Elle a été la première et heureusement la seule victime de l'attentat de Villejuif. (...) Elle avait 32 ans et toute la vie devant elle".

Ce sont les premiers mots des avocates générales ce lundi 2 novembre, qui aux termes d’un réquisitoire de six heures, ont requis la condamnation de l’ensemble des accusés.

Sonia MEJRI, l’épouse d’un dirigeant de l’armée secrète de l’Etat Islamique

Publié le 29 octobre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

La Cour d’Assises Spéciale chargée de juger Sid-Ahmed Ghlam et ses coaccusés a entendu comme témoin Sonia Mejri, l’épouse sur zone d’Abdelnasser Benyoucef, cadre de l’état Islamique et principal commanditaire de l’attentat.

C’est l’un des moments forts de ce procès.

Le rôle des femmes au sein de l’Etat islamique

Le rôle des femmes au sein de l’EI est relativement limité ; à la connaissance des services spécialisés, aucune femme n’a eu un pouvoir décisionnaire au sein de l’EI.

Sid-Ahmed GHLAM et le manuel du “parfait petit terroriste”

Publié le 28 octobre 2020 - Thème(s) : Thème : Droit des victimes, Thème : Victime d’attentat

Les enquêteurs ont découvert à l’intérieur du véhicule de Sid-Ahmed Ghlam un classeur de vingt-sept feuilles volantes supportant des annotations manuscrites en langues française et arabe, précisant l’organisation d’un attentat, sorte de manuel pour futur terroriste.

Ce manuel du terroriste, dont Sid-Ahmed Ghlam précisera à l’audience qu’il était en permanence dans son sac à dos, permet de reconstituer ses projets et d’expliquer au moins en partie le déroulement des faits.