Affaire Vincent LAMBERT : une démission ?

Publié le 25 juillet 2015

Hier matin, en sortant de chez moi, j’ai buté contre un clochard qui avait dormi par terre. J’ai pesté contre son chien et l’odeur d’urine qui régnait tout en me sentant un peu honteux d’avoir à enjamber la misère. Il est vrai que nous traversons une période économiquement dure qui produit beaucoup de déclassés et d’immigration alimentaire.

Dans la journée, j’ai entendu que les médecins de Vincent LAMBERT ont annoncé qu’ils ne pouvaient pas prendre de décision en l’état et renvoyé à la justice le soin de désigner un référent (pseudo tuteur) pour permettre que la personne en cause soit représentée par un tiers neutre.
Cette décision a été prise, n’en doutons pas, du fait du climat de haine et de menace qui s’est installé autour de la démarche médicale.

Manifestants dans la cour de l’hôpital (comme aux Etats-Unis devant les prisons à la veille d’une exécution), prise de position de l’Eglise, de ceux qui proposent de noyer les immigrés clandestins, énorme pression médiatique et surtout une plainte de plus de 40 pages pour tentative d’assassinat à la veille de la décision déposée contre l’hôpital, le Dr Kariger et les médecins en charge de la décision.

Cette façon de faire a déjà fonctionné avec le Dr Kariger qui, après un combat épuisant, a baissé les bras il y a quelque temps et abandonné sa carrière après avoir été traité de nazi et de bourreau par de braves citoyens.

Il faut bien comprendre que s’opposent d’un côté des gens qui font leur travail de médecin dans ce qu’il a de plus terrible (l’accompagnement vers la mort), de l’autre un groupe fanatisé pour la défense de la vie, coute que coute, y compris au prix de la maltraitance et de la volonté de la personne concernée.

La mécanique qui fonctionne depuis près de 4 ans est bien rodée :
1/ inviter ceux qui n’en ont pas la compétence à poser un diagnostic
L’idée est de faire croire que les médecins ne peuvent pas être crus dans leurs expertises (« personne ne peut savoir » « et si un jour il se réveille ? » « ils ne veulent pas désavouer leur confrère »). On invite donc le spectateur (car nous avons été transformés en spectateurs arbitres), voire les juges à substituer son avis au diagnostic.
2/ utiliser des images choc
Sachant qu’ils vont s’adresser à des spectateurs manipulables, les animateurs du mouvement d’opinion contre l’arrêt des soins vont utiliser des images permises par l’état bien particulier de Vincent Lambert (coma Pauci Relationnel c’est-à-dire qui permet des mouvements réflexes : ouverture des yeux, mouvements des membres….) pour nous persuader qu’il a conservé sa conscience.
Un parlementaire au moment de la discussion de la loi sur l’avortement avait ainsi ramené à la tribune de l’assemblée un fœtus… d’autres avaient traité Simone Veil qui avait survécu à Auschwitz, de Nazie.
3/ mettre en place un rapport de force transformant le professionnel en criminel
En attaquant directement le professionnel, en le présentant à la vindicte populaire, on le déstabilise alors qu’il essaye simplement d’accomplir sa profession avec humanité et dans le respect d’une loi difficile (et un peu hypocrite).
Qui va choisir de mettre en péril son quotidien simplement pour bien faire son métier ?
4/ présenter en parallèle une solution d’apaisement qui permet aux « spectateurs » d’y trouver leur compte.
Les parents clament haut et fort que si on ne veut plus soigner leur fils, qu’on le leur rende, ils s’en occuperont.
Ainsi proclament-ils que leur fils leur appartient.
Quel adulte marié et père de famille accepterait aujourd’hui qu’on dise qu’il appartiendrait à ses parents ?
Pour éliminer l’avis de sa femme, ils la traitent de menteuse et laissent supposer qu’elle aurait un intérêt financier (ou pire, sexuel) à un décès qu’elle souhaiterait de façon égoïste.

ET CA MARCHE !!!!

Les uns et les autres laissent entendre qu’après tout, les parents ont bien le droit de soigner leur enfant, que la femme a peut-être quelque chose à cacher…

La loi et aujourd’hui la Cour Européenne décident que l’être humain n’appartient à personne d’autre qu’à lui-même et ont imaginé une procédure pour éviter l’acharnement thérapeutique considéré comme de la maltraitance. Dans cette procédure, les proches sont concertés mais la décision est laissée au médecin qui est censé pouvoir, après cette consultation, prendre de la façon la plus objective la décision qui s’impose.

Ajoutons que traditionnellement, le pouvoir cède assez systématiquement devant les pressions de tous ordres. A raison celui qui crie le plus fort. C’est pour cette raison que les vieux pays comme le nôtre sont dirigés par des démagogues qui cèdent dès que le ton se durcit.

Je comprends que les autorités médicales aient appelé la justice à leur secours.

Il faut que les citoyens éclairés, c’est-à-dire qui ne se laissent pas aller simplement à leurs émotions, équilibrent la donne et ramènent un peu de raison dans tout ce vacarme.

Si je savais prier, je prierais pour ne jamais avoir à « débrancher » un être que j’aime et qu’on ne s’acharne pas pendant sept ans sur mon corps au prétexte d’une vie sans conscience, qu’on ne laisse pas ma femme et mes enfants spectateurs impuissants d’un coma et d’une agonie interminables.

Au fait, avez-vous rédigé vos directives anticipées ?
G CHEMLA

Gérard CHEMLA, avocat rémois réputé en matière pénale des victimes
Gérard CHEMLA
Avocat associé

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