Hors le bail rural, point de salut ? Ou comment convaincre un propriétaire de mettre à disposition ses terres ?

Publié le 20 août 2013

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Le législateur a voulu  soumettre les relations bailleur/preneur au statut du fermage. Il s’agissait de protéger des cocontractants celui qui semble le plus fragile.

Comme le  commerçant à l’égard de son bailleur,  le salarié  de son employeur, l’Etat  protecteur arbitre les contrats privés, fort de ce précepte « Entre le fort et le faible, c’est la Liberté qui opprime et la Loi qui libère » Lacordaire

Cet interventionnisme  est mal vécu par les bailleurs potentiels qui –se sentant dépossédés- préfèrent vendre que louer. D’autant que le marché des terres n’est plus réservé au seul exploitant mais se développe sous l’oeil concupiscent d’investisseurs non exploitant séduit par l’espérance de plus values (en comparant avec les prix de la terre en Europe) et les avantages fiscaux. La raréfaction des terres à louer qui en résulte incitent les preneurs à accepter d’autres modalités contractuelles, nécessairement moins protectrices, parfois clairement illégales.

D’aucuns violent allègrement la loi  (Rappelons que l’interdiction du pas de porte est pénalement sanctionnée (L.411_74)) en exigeant une enveloppe –quant ce n’est pas le futur preneur qui la leur propose- pour perdre de leur droit de propriété en se soumettant au statut : ils monnaient ainsi à leurs risques et périls le bail qu’ils vont consentir.

D’autres, plus finement,  imaginent ou utilisent d’autres cadres juridiques qui peuvent apparaître moins contraignant ou  plus avantageux. Mais avant de s’aventurer sur les chemins de traverse, découvrons ceux du statut.

 

Le bail de droit commun

Certes le bail de droit commun conforme au statut-type n’est pas très avantageux pour le bailleur :

• loyer encadré et faible rentabilité, droit au renouvellement du preneur, faculté de cession aux descendants ou de poursuite en cas de décès par ceux qui participaient à l’exploitation, droit de préemption avec faculté de révision du prix devant les tribunaux paritaires en cas de vente.

Il ne reste au bailleur en guise de consolation que la reprise pour exploiter à l’issue des neuf ans (à la condition qu’il soit lui même exploitant)ou d’attendre l’âge de la retraite du preneur sans enfant…

 

 Les baux cessibles

Présentés comme plus attrayant les baux cessibles -introduits dans le statut par la loi du 5 janvier 2006 -n’apportent au bailleur que la faculté de fixer le fermage 50% de plus que celui du bail à long terme.

La contrepartie reste dissuasive :

Si la sortie de bail après une période initiale de 18 ans est aisée (congé non motivé), son cout est prohibitif. Outre l’indemnité usuelle de sortie (fumures et arrières fumures ; drainages etc) le bailleur devra régler une indemnité d’éviction « une indemnité correspondant au préjudice causé par le défaut de renouvellement qui comprend notamment, sauf si le bailleur apporte la preuve que le préjudice est moindre, la dépréciation du fonds du preneur, les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour acquérir un bail de même valeur. «  ( C. rur., art. L. 418-3, al. 3).

On peut même penser puisque le droit au bail a, dans ce type de baux ,une valeur patrimoniale que cette  indemnité d'éviction puisse être fixée à la valeur économique du droit au bail.

 

Les baux à long terme

Les baux à long terme sont plus séduisants :

• celui de 18 ans obéit aux mêmes règles que les baux ordinaires, mais permet tout en percevant un fermage un peu supérieur, mais toujours encadré, de réduire son  ISF et les droits de transmission à titre gratuit.

• ceux de 25 ans sans clause de renouvellement (depuis la reforme de 2006) ou assortis d’un long préavis, permettent, outre le même avantage fiscal, d’être assuré de reprendre la libre disposition de son bien, sans conditions, au terme de celui-ci.

Attendre 25 ans ou percevoir le maigre fermage d’une terre que l’on ne pourra vendre qu’à un prix doublement régulée par le preneur ou la SAFER, tel serait le sort peu enviable du propriétaire non exploitant.

 

D’autres cadres juridiques

Bien conseillé, il recherchera d’autres cadres juridiques, soit qu’ils les privent moins longtemps de leur propriété, soit qu’ils leur rapportent plus, soit plus avantageux fiscalement.

 

La cession temporaire d’usufruit

A ces égards, la cession temporaire d’usufruit cumule les avantages pour le bailleur

  • durée libre
  • prix libre
  • exonération totale d’ISF et transmission de la nu propriété moins valorisée donc moins imposée
  • Pas de droit de préemption en cas de vente ni de droit au renouvellement

 

Le bail emphytéotique

Dans le même esprit il sera conclu un bail emphytéotique non soumis au statut à loyer libre (durée de 18 à 99 ans) ,toutes les charges devant être supportées par un preneur qui n’aura droit à renouvellement, ni à indemnité de sortie, ni droit de préemption.

Si avantageuse qu’elle soit cette convention ne présente cependant aucun intérêt fiscal. Pour l’exploitant ce sera l’argument ultime qui convaincra le propriétaire de mettre à disposition, la seule contrainte étant l’engagement sur une durée incompressible.

 

Le prêt à usage

Pour l’éviter, le prêt à usage (mise à disposition sans contrepartie onéreuse) reste une option qui préserve les intérêts du propriétaire sur une période courte.

Avantage : maintien des parcelles en exploitation : reprise sans condition à tous moment ;
Aucun droit  pour l’exploitant ; Possibilité de vendre son bien sans contrainte, si ce n’est le droit de préemption éventuel des SAFER

Inconvénient : Pas de fermage, mais compte tenu de leur encadrement, la perte est minime

 

Le contrat de location du matériel

 Dans le même registre se place le contrat de location du matériel (le prix est libre) qui peut accompagner un bail soumis au statut. Ainsi dans le statut ou hors celui-ci chacun trouvera la convention la mieux adaptée à ses souhaits et ses contraintes.

Reste cependant à souligner les risques significatifs de requalification des lors que l’on s’écarte des chemins tracés par le législateur, ce qui imposera une attention particulière à la rédaction des actes.

Article proposé par Michel AUGUET